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Licenciement pour inaptitude : point sur le délai de prescription en cas de manquement à l’obligation de sécurité

Licenciement pour inaptitude : point sur le délai de prescription en cas de manquement à l’obligation de sécurité

Le licenciement pour inaptitude au poste est dépourvu de cause et sérieuse lorsqu’il a pour origine un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Le salarié peut s’appuyer sur ce manquement pour contester son licenciement dès lors que la saisine du juge intervient dans les 2 ans à compter de sa notification (prescription applicable à l’époque des faits). Et ceci, peu importe qu’il ait eu connaissance de ces manquements plus de deux ans avant la saisine. (Cass.soc. 24.04.24, n°22-19401)

Quand un manquement de l’employeur a son obligation de sécurité débouche sur un licenciement pour inaptitude. C’est la situation dans laquelle s’est trouvée la salariée dans l’affaire ici commentée. Elle est placée en arrêt de travail en février 2013, déclarée inapte en octobre 2015, pour finalement être licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement en décembre 2015, soit près de 3 ans plus tard.  Salariée qui décida, quelques mois plus tard, de saisir le conseil de prud’hommes pour demander des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que ce licenciement avait pour origine une violation de l’obligation de sécurité de l’employeur.

L’issue du procès semblait toute tracée : la jurisprudence reconnaît en effet que lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Mais c’était sans compter un argument qui a reçu une oreille attentive de la part des juges du fond, celui relatif à la prescription des faits à l’origine du manquement dont se prévalait la salariée.

Retour sur la procédure et la décision des juges du fond

La salariée s’appuyait donc sur un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité pour demander des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Seulement, ces manquements étaient antérieurs à son arrêt de travail datant de février 2013. Et la saisine du juge intervenue plus de 2 ans (prescription applicable à l’époque des faits) après ces manquements.

C’est ce qui a conduit les juges du fond à débouter la salariée de ses demandes d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ces derniers ont en effet retenu que la salariée avait nécessairement eu connaissance des manquements à l’obligation de sécurité à la date de son arrêt de travail en février 2013, que ces faits étaient prescrits depuis février 2015, et que par conséquent la demande était irrecevable, car prescrite.

La salariée décida de se pourvoir devant la Cour de cassation qui a dû répondre aux questions suivantes : quel est le point de départ du délai de prescription de l’action en contestation d’un licenciement ? Le salarié peut-il invoquer au soutien de sa contestation des manquements de l’employeur de plus de 2 ans lors de la saisine du juge ?

Prescription de l’action en contestation du licenciement : son point de départ est fixé à la date de notification du licenciement

La Cour de cassation commence par rappeler les fondamentaux de l’article L. 1471-1 du Code du travail alors en vigueur : « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. ». Elle en déduit que le point de départ du délai de prescription de l’action en contestation du licenciement pour inaptitude d’un salarié est la date de notification du licenciement.

La Cour rappelle ensuite sa jurisprudence selon laquelle un licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.

Puis elle en tire comme principe que « lorsqu’un salarié conteste, dans le délai imparti, son licenciement pour inaptitude, il est recevable à invoquer le moyen selon lequel l’inaptitude est la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. ».

En d’autres termes, ce qui compte, c’est bien la date de la notification du licenciement qui doit être la référence pur vérifier le respect du délai pour agir en contestation de ce licenciement. Et non les faits qui fondent cette action.  

La Cour d’appel ne pouvait donc pas déclarer les demandes de la salariée irrecevables car fondées sur des faits prescrits ! Cette dernière était, selon l’arrêt de la Cour de cassation, parfaitement fondée à contester son licenciement dès lors qu’elle avait bien agi dans le délai de 2 ans à compter de la notification de son licenciement, et ceci alors même qu’elle invoquait des faits bien antérieurs !

Les juges étaient également saisis d’une autre demande d’indemnisation au titre du manquement à l’obligation de sécurité. La salariée a toutefois été déboutée, les juges ayant estimés que les faits étaient prescrits au jour de la demande. Raisonnement validé par la Cour de cassation !

Cette décision est somme toute logique, car bien souvent, à l’occasion d’une contestation d’un licenciement, le salarié va s’appuyer sur de nombreux faits qui pour certains peuvent être datés pour faire la démonstration que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Portée de l’arrêt : il s’appliquera sans aucune difficulté aux règles de prescription aujourd’hui applicables à la matière prud’homale. Ces règles, en particulier celle prévue à l’article L. 1471-1 du Code du travail, ont en effet été revues à l’occasion des ordonnances travail de 2017. La 1re modification, très contestée, a porté sur la réduction du délai pour agir sur la rupture du contrat de travail qui est passé de 2 à 1 an. Une seconde modification a conduit le législateur à inscrire dans le texte le point de départ du délai pour agir, fixé depuis à la notification de la rupture.   

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