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Licenciement pour motif personnel

Licenciement pour motif personnel

1° Cause réelle et sérieuse
Notion
« Tout licenciement pour motif personnel est motivé (…). Il est justifié par une cause réelle et sérieuse » ( C. trav., art. L. 1232-1 ).

La cause est réelle lorsqu’elle existe, qu’elle est objective, à savoir susceptible de vérification et qu’elle est exacte.

La cause est sérieuse lorsque le motif invoqué revêt une certaine gravité de nature à remettre en cause la poursuite de la relation de travail, compte tenu des conséquences dommageables que pourrait avoir à supporter l’employeur.

La cause doit être en relation avec la vie professionnelle.

Constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement l’insuffisance professionnelle ou la mésentente entre salariés lorsque celles-ci reposent sur des éléments objectifs, précis et imputables au salarié ; un refus d’obéissance ; des absences non justifiées ; le fait d’avoir injurié son supérieur hiérarchique ; le manquement à l’obligation de loyauté (tel que l’exercice d’une activité concurrente durant une période de suspension du contrat de travail : Cass. soc., 5 juill. 2017, n° 16-15.623  : JurisData n°2017-013459  ; JCP S 2017, 1278 , note A. Barège), des manœuvres dolosives ( Cass. soc., 25 nov. 2016, n° 14-21.521  : JCP S 2016, 1118 , note D. Chenu), etc. En revanche, la perte de confiance et l’insuffisance de résultats ne constituent pas en elles-mêmes une cause réelle et sérieuse de licenciement.

De même, ne sauraient justifier un licenciement, voire même emporteraient sa nullité, les motifs considérés comme discriminatoires sexe, âge ( CJUE, 2e ch., 5 juill. 2012, aff. C-141/11, Hörnfeldt  : Dr. ouvrier 2013, p. 62 , note V. Lacoste-Mary ; RJS 2013, p. 18 , obs. H. Tissandier. – Cass. soc., 9 mars 2016, n° 14-25.840  : JurisData n° 2016-004164  : JCP S 2016, act. 117 . – sur l’absence de qualification de liberté fondamentale du principe de non-discrimination en raison de l’âge, Cass. soc., 15 nov. 2017, n° 16-14.281  : JurisData n° 2017-022794  ; JCP S 2017, 1406 , note J.-P. Lhernould), situation de famille, activités syndicales, opinions politiques (sur l’engagement politique du frère du salarié, Cass. crim., 21 juin 2016, n° 15-80.365  : JurisData n° 2016-012096  ; JCP S 2017, 1043 , note F. Bousez), convictions religieuses, origine, maladie, à moins que ses conséquences obligent l’employeur à procéder au remplacement définitif du salarié ( Cass. soc., 27 janv. 2016, n° 14-10.084  : JurisData n° 2016-001032  ; JCP S 2016, 1086 , note B. Gauriau. – Cass. soc., 14 nov. 2018, n° 17-20.062  : JCP S 2019, 1004 , note A. Barège. – Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-13.188  : JurisData n° 2021-003772  ; JCP S 2021, 1108 , note J. Y. Frouin), etc. Et quand bien même l’employeur n’invoquerait pas de motifs discriminatoires, la rupture du contrat de travail peut être jugée nulle : ainsi, emporte pareille sanction le licenciement d’une femme enceinte pour inaptitude et impossibilité de reclassement puisqu’en vertu de l’ article L. 1225-4 du Code du travail , elle ne peut l’être que si l’employeur énonce dans la lettre de licenciement que sa décision est justifiée par une faute grave de l’intéressée non liée à l’état de grossesse ou par l’impossibilité dans laquelle il se trouve de maintenir le contrat et ce, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption ( Cass. soc., 3 nov. 2016, n° 15-15.333  : JurisData n° 2016-022712  ; JCP S 2016, 1413 , note T. Lahalle. – Cass. soc., 1er  déc. 2021, n° 20-13.339 : JurisData n° 2021-019371  ; JCP S 2022, 1006 , note L. Dauxerre). Partant, dès lors qu’il lui fournit les motifs justifiant son licenciement et les critères objectifs retenus pour désigner les travailleurs à licencier, l’employeur peut engager à l’encontre d’une femme enceinte une procédure de licenciement collectif pour motif économique ( CJUE, 22 févr. 2018, aff. C-103/16  : JCP S 2018, 1135 ). À la sanction de nullité sont aussi exposés les motifs qui constituent une atteinte à une liberté fondamentale, comme le droit d’agir en justice du salarié ( Cass. soc., 16 mars 2016, n° 14-23.589  : JurisData n° 2016-004635  ; JCP S 2016, 1173 , note A. Bugada. – Cass. soc., 8 févr. 2017, n° 15-28.085  : JurisData n° 2017-001896 . – Cass. soc., 5 déc. 2018, n° 17-17.687  : JCP S 2018, act. 397 ) ou la liberté d’expression du salarié ( Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 19-17.871  : JurisData n° 2022-001870  ; JCP S 2022, 1091 , note B. Bossu). Dans ce dernier cas, s’il demande sa réintégration, il a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier au cours de cette période ( Cass. soc., 21 nov. 2018, n° 17-11.122  : JCP S 2018, act. 379 ).

Remarque

Aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire (ou disciplinaire) pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ( C. trav., art. L. 1132-3-3, al. 1 ). Le licenciement prononcé en violation de la protection reconnue aux salariés « lanceurs d’alertes » est frappé de nullité en ce qu’il porte atteinte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ( Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557  : JurisData n° 2016-012560  ; JCP S 2016, 1381 , note G. Duchange. – Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-25.754  : JurisData n° 2021-010931  ; JCP S 2021, 1254 , note B. Bossu).

En outre, l’employeur ne peut pas se préconstituer une cause de licenciement : est illicite la clause du contrat de travail prévoyant que la suspension ou le retrait du permis de conduire constituera en elle-même une cause de rupture ( Cass. soc., 12 févr. 2014, n° 12-11.554  : JurisData n° 2014-002130  ; JCP S 2014, 1234 , note F. Dumont).

En cas de contestation de la réalité et du sérieux de la cause de licenciement, appréciée au jour où l’employeur a décidé de rompre le contrat, le juge va former sa conviction à partir des éléments apportés par le salarié – il ne peut se fonder sur la lettre rédigée et signée par son conseil ( Cass. soc., 20 oct. 2015, n° 14-17.624  : JurisData n° 2015-023373  ; JCP S 2015, act. 415 ) – et par l’employeur, sachant que la charge de la preuve de cette cause ne repose pas plus sur le salarié que sur l’employeur. Ce dernier, pour justifier du bien-fondé de la mesure, ne saurait notamment se fonder uniquement sur des témoignages anonymes sans porter une atteinte excessive aux droits de la défense ( Cass. soc., 4 juill. 2018, n° 17-18.241  : JurisData n° 2018-011774  ; JCP S 2018, 1285 , note F. Duquesne) ou produire, sous peine de nullité du licenciement, des courriels relevés à partir d’un ordinateur professionnel, de la messagerie personnelle du salarié et envoyés depuis des adresses privées non professionnelles ( Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-15.360  : JurisData n° 2016-001010  ; JCP S 2016, 1087 , note B. Bossu). Si l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, il lui est toutefois possible de produire une publication Facebook privée dès lors que la publication litigieuse lui a été spontanément communiquée par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise, autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de la salariée sanctionnée ( Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 19-12.058  : JurisData n° 2020-014949  ; RDT 2020, p. 764, note C. Lhomond).

§ 2Sanctions
Conformément à l’ article 2 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et pour les licenciements notifiés depuis le 24 septembre 2017, si l’une des parties refuse la réintégration proposée par le juge en cas de licenciement, ce dernier octroie une indemnité au salarié dont le montant minimal et maximal est fonction de l’ancienneté, montant exprimé en mois de salaire brut ( Cass. soc., 15 déc. 2021, n° 20-18.782  : JurisData n° 2021-020319  ; JCP G 2022, act. 176 , note L. Bento de Carvalho ; JCP S 2022, 1016 , note M. Babin) ; le montant minimal varie aussi selon que l’entreprise emploie habituellement moins de 11 salariés ou 11 salariés et plus ( C. trav., art. L. 1235-3 :

– entreprises de 11 salariés et plus :

Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes)Indemnité minimale (en mois de salaire brut)Indemnité maximale (en mois de salaire brut)
0Sans objet1
112
233,5
334
435
536
637
738
838
939
10310
11310,5
12311
13311,5
14312
15313
16313,5
17314
18314,5
19315
20315,5
21316
22316,5
23317
24317,5
25318
26318,5
27319
28319,5
29320
30 et au-delà320

– entreprises de moins de 11 salariés :

Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes)Indemnité minimale (en mois de salaire brut)
0Sans objet
10,5
20,5
31
41
51,5
61,5
72
82
92,5
102,5

Remarque

Les dispositions de l’ article L. 1235-3 du Code du travail , qui fixent ainsi le barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ont été déclarées compatibles avec les stipulations de l’ article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT dans deux avis rendus par l’assemblée plénière de la Cour de cassation (Cass. ass. plén., avis n° 15012, 17 juill. 2019, n° 19-70.010. – Cass. ass. plén., avis n° 15013, 17 juill. 2019, n° 19-70.011 ). Ces avis ont été confirmés par la chambre sociale de la Cour de cassation qui considère que les dispositions visées permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et qu’elles sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’ article 10 de la convention n° 158 de l’OIT ( Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-14.490  : JurisData n° 2022-007615  ; JCP S 2022, 1151 , note G. Loiseau ; JCP G 2022, act. 273 , note Y. Pagnerre ; Dr. soc. 2022, p. 733 , note J. Mouly). Dans ces avis et arrêt, le juge du droit rappelle que ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, aux termes desquelles « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

À cette fin les parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».

On notera en effet que le Comité européen des droits sociaux a conclu que le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement injustifié (« barème Macron ») constitue une « violation » de l’article 24.b de la Charte sociale européenne (CEDS, 23 mars 2022, nos 160/2018. – CEDS, 5 juill. 2022, n° 175/2019. – V.  JCP S 2022, act. 326 ).

Par ailleurs, dans une circulaire du 26 février 2019 (Circ. n°C3/201910006558) adressée à tous les procureurs généraux des cours d’appel et au procureur de la République du tribunal supérieur d’appel, le directeur de la Direction des affaires civiles et du sceau demande à ces derniers de recenser les jugements rendus sur la conventionalité du plafonnement des indemnités prud’homales. Ce recensement doit leur permettre d’intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l’avis du parquet général sur cette question.

L’employeur, en outre, s’expose au remboursement des indemnités de chômage lorsqu’est licencié un salarié ayant plus de 2 ans d’ancienneté et employé dans une entreprise de 11 salariés et plus ( C. trav., art. L. 1235-5 ). Le décret n° 2019-252 du 27 mars 2019 (JO 30 mars 2019) précise les modalités suivant lesquelles Pôle emploi délivre à l’employeur, condamné par le juge prud’homal au remboursement de tout ou partie des allocations de chômage versées à son ancien salarié, une mise en demeure puis, le cas échéant, une contrainte à cette fin. Ce texte encadre également l’opposition que le débiteur peut former à l’encontre de celle-ci.

Par ailleurs un licenciement, même justifié, peut donner lieu à une indemnisation du salarié lorsqu’il a été accompagné de circonstances vexatoires ( Cass. soc., 16 déc. 2020, n° 18-23.966  : JurisData n° 2020-020348  ; JCP S 2021, 1058 , note A. Barège).

Remarque

Ces prescriptions ne sont pas applicables aux licenciements frappés de nullité. L’ article 2 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 (JO 23 sept. 2017. – C. trav., art. L. 1235-3-1, al. 2 , modif. par L. n° 2018-217, 29 mars 2018, art. 11  : JO 31 mars 2018) précise le champ des nullités ; sont en effet désormais visées à l’ article L. 1235-3-1 du Code du travail , celles qui sont afférentes :

– à la violation d’une liberté fondamentale ;

– à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 : ainsi, si ces agissements sont la cause directe d’une absence prolongée et d’une perturbation du fonctionnement de l’entreprise nécessitant le remplacement du salarié, le licenciement de ce dernier prononcé pour de tels motifs est nul ( Cass. soc., 30 janv. 2019, n° 17-31.473  ; JCP S 2019, act. 59 ) ;

– à un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

– à un licenciement consécutif à une action en justice, en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, en matière de dénonciation de crimes ou délits ; précision faite que le salarié qui relate des agissements de harcèlement moral doit qualifier en ce sens les faits qu’il dénonce comme tels ( Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23.045  : JurisData n° 2017-017655  ; JCP S 2017, 1359 , note C. Leborgne-Ingelaere) ;

– à un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat ;

– à un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13 (femme enceinte, congé de maternité ou de, salarié victime d’un accident du travail).

Dans ces hypothèses, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaire.

Nota Bene : la nullité du licenciement d’un salarié protégé qui a sollicité sa réintégration après l’expiration de la période de protection pour des raisons qui ne lui sont pas imputables, avant de faire valoir ses droits à la retraite, emporte à son égard, au titre de la violation du statut protecteur, versement d’une somme correspondant au montant des salaires dont il a été privé au cours de la période écoulée entre son licenciement et son départ à la retraite ( Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 16-25.764  : JCP S 2019, act. 89 ).

2° Fautes du salarié

V.  JCl. Travail Traité, fasc. 30-30

V.  JCl. Travail Traité, fasc. 30-40

§ 3Gradation
Parmi les fautes que peut commettre un salarié, certaines emportent assurément rupture du contrat de travail. Il en est ainsi tout d’abord de la faute grave, caractérisée par exemple, par l’exercice d’une activité professionnelle concurrente par un salarié au cours de ses congés payés ( Cass. soc., 5 juill. 2017, n° 16-15.623  : JurisData n° 2017-013459  ; JCP S 2017, act. 224 ) ou par le refus injustifié du salarié de rejoindre de nouvelles affectations malgré une clause de mobilité prévue à son contrat ( Cass. soc., 12 janv. 2016, n° 14-23.290  : JurisData n° 2016-000228  ; JCP S 2016, 1107 , note F. Dumont ; RJS 2016, n° 163), qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Cette faute, appréciée souverainement par les juges du fond ( Cass. soc., 29 juin 2016, n° 15-12.958  : JCP S 2016, act. 286 ), peut justifier sa mise à pied conservatoire qui est une mesure de mise à l’écart dans l’attente du prononcé de la sanction ( C. trav., art. L. 1332-3 ). Celle-ci peut consister en la rupture du contrat de travail devant intervenir dans un délai restreint à partir du moment où l’employeur a eu connaissance des faits allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ( Cass. soc., 24 nov. 2010, n° 09-40.928  : JurisData n° 2010-021943  ; JCP S 2011, 1081 , note F. Dumont).

Quant à la faute lourde, elle suppose du salarié une intention de nuire à l’entreprise, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif ( Cass. soc., 8 févr. 2017, n° 17-21.064  : JurisData n° 2017-001850  ; JCP S 2017, 1089 , note D. Chenu. – Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 18-16.663  : JurisData n° 2020-002496 . – Cass. soc., 21 avr. 2022, n° 20-22.773  : JurisData n° 2022-006404 ) ; elle ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ( Cass. soc., 22 oct. 2015, n° 14-11.801  : JurisData n° 2015-023381  ; JCP S 2016, 1003 , note D. Chenu. – Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-16.880  : JCP S 2016, act. 277 . – Cass. soc., 12 sept. 2018, n° 16-25.669  : JCP S 2018, act. 275 ). Parmi la nature et l’échelle des sanctions figurant au règlement intérieur, à l’encontre de tels agissements du salarié, la seule sanction envisageable est le licenciement. Compte tenu de son extrême gravité, le préavis ne peut pas être effectué et le salarié est privé de l’indemnité de licenciement. Il conserve en revanche son indemnité compensatrice de congés payés.

B. Procédure

V.  JCl. Travail Traité, fasc. 30-28

V.  JCl. Travail Traité, fasc. 30-30

§ 4Principe
Toute décision de l’employeur de licencier doit être précédée d’une procédure préalable applicable, peu important la taille de l’entreprise et l’ancienneté du salarié.

1° Entretien préalable

§ 5Convocation
Aux termes de l’ article L. 1232-2, alinéa 1er du Code du travail , l’employeur, voire un représentant appartenant nécessairement à l’entreprise, qui « envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable ». À défaut, il y a irrégularité de procédure ; la cause du licenciement n’est pas privée de son caractère réel et sérieux ( Cass. soc., 16 sept. 2015, n° 14-10.325  : JurisData n° 2015-020506  ; JCP S 2015, 1420 , note F. Dumont).

La convocation doit être écrite, adressée par lettre recommandée avec avis de réception, ou par le système de transport rapide de courrier dit Chronopost ( Cass. soc., 8 févr. 2011, n° 09-40.027  : JurisData n° 2011-001298  ; JCP S 2011, 1199 , note F. Dumont) ou remise en main propre contre décharge ( C. trav., art. L. 1232-2, al. 2 ). Le refus manifesté par le salarié de prendre sa lettre ou de la recevoir, tout comme le fait de faire preuve de négligence ou de ne pas avoir communiqué sa nouvelle adresse à l’employeur, ne constitue pas un acte d’insubordination, ni un frein au déroulement de la procédure.

La lettre de convocation doit indiquer :

  • l’objet de l’entretien. En revanche, l’employeur n’a pas à préciser les griefs retenus contre le salarié ( Cass. soc., 6 avr. 2016, n° 14-23.198  : JurisData n° 2016-006377  ; JCP S 2016, act. 165 ) ;
  • la date, l’heure et le lieu de l’entretien ;
  • la possibilité laissée au salarié de se faire assister lors de cet entretien par une personne de son choix appartenant à l’entreprise ou, à défaut d’instances représentatives du personnel, par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou extérieure à celle-ci mais inscrite alors sur une liste préfectorale. Indication doit être faite de l’adresse des services où la liste desdits conseillers est tenue à la disposition du personnel (en pratique, l’adresse de l’inspection du travail compétente au regard du lieu où va se dérouler l’entretien et celle de la mairie du lieu du domicile du salarié ou de son travail selon qu’il habite ou non dans le même département) ( C. trav., art. R. 1232-1 ). Faute de les préciser, l’employeur pourrait être condamné à verser au salarié des dommages et intérêts pour inobservation de la procédure ne pouvant excéder un mois de salaire ( Cass. soc., 21 janv. 2009, n° 07-41.841  : JurisData n° 2009-046654 ).

§ 6Date
Entre la convocation et l’entretien, un délai minimum de 5 jours ouvrables doit être respecté ( C. trav., art. L. 1232-2, al. 3 ). Ce délai court, non le jour de la notification de la convocation à l’entretien, mais le lendemain de sa présentation au salarié ou de sa remise en main propre ( CPC, art. 641 ). Il expire à l’issue du cinquième jour et peut être reporté au premier jour ouvrable suivant s’il prend fin un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé ( C. trav., art. R. 1231-1 ). En outre, lorsque le salarié sollicite un report de son entretien, l’employeur est simplement tenu de l’aviser, « en temps utile et par tous moyens », des nouvelles date et heure de celui-ci ( Cass. soc., 29 janv. 2014, n° 12-19.872  : JurisData n° 2014-001104  ; JCP S 2014, 1235 , note D. Everaert-Dumont).

§ 7Audition du salarié
L’entretien préalable doit être individuel et personnel ; ne peuvent être convoqués ensemble plusieurs salariés pour des faits similaires ( Cass. soc., 23 avr. 2003, n° 01-40.817  : JurisData n° 2003-018775 ). Il doit être mené dans une langue que les deux parties comprennent. L’employeur doit indiquer au salarié le ou les motifs de la décision envisagée ( C. trav., art. L. 1232-3 ). Il doit recueillir les observations du salarié. Si ce dernier ne se rend pas à l’entretien préalable, il n’y est toutefois pas obligé, l’employeur n’a pas à le convoquer une nouvelle fois. La procédure suivra alors normalement son cours. Rien ne lui interdit néanmoins de lui laisser la possibilité de formuler, dans un certain délai, des observations sur le fait que son licenciement soit envisagé.

§ 8Assistance du salarié
Le salarié qui souhaite se faire assister d’un conseiller extérieur lors de son entretien doit lui communiquer la date, l’heure et le lieu et obtenir de sa part confirmation de sa présence ( C. trav., art. R. 1232-2 et R. 1232-3 ). Il lui appartient également d’informer son employeur du fait qu’il sera ou non assisté d’un conseiller.

Quant à l’employeur, le Code du travail ne prévoit pas qu’il puisse être assisté. Toutefois, il est admis qu’il puisse l’être, notamment de son représentant ou du supérieur hiérarchique du salarié dès lors qu’il n’en découle pas pour ce dernier un préjudice ( Cass. soc., 17 sept. 2008, n° 06-42.195 ).

2° Notification du licenciement

§ 9Délai
Pris en application de l’ article 4 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (JO 23 sept 2017), le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 fixe les modèles de notification du licenciement ; y sont rappelés « les droits et obligations de chaque partie » ( C. trav., art. L. 1232-6 ).

L’employeur doit attendre au moins 2 jours ouvrables après la date de convocation à l’entretien préalable avant de pouvoir adresser la lettre de notification de son licenciement ( C. trav., art. L. 1232-6 ). C’est un délai minimum ; aucun maximum n’est fixé. Le non-respect de cette prescription prive de régularité la procédure et ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts librement fixés par le juge en fonction du préjudice subi qu’ils apprécient souverainement ( Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 16-13.578  : JurisData n° 2017-017656  ; JCP S 2017, 1369 , note A. Bugada), sachant qu’ils ne pourront excéder un mois de salaire lorsque l’intéressé a au moins 2 ans d’ancienneté et qu’il travaille dans une entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés ( C. trav., art. L. 1235-2 et L. 1235-5 ). La règle de computation des délais est ici identique à celle rappelée à propos du temps devant séparer l’envoi de la lettre de convocation et l’entretien préalable.

En cas de licenciement disciplinaire, la lettre de notification ne peut être adressée à l’intéressé moins de 2 jours ouvrables et plus d’un mois après le jour de l’entretien préalable, tel qu’il a été fixé ( C. trav., art. L. 1232-6, al. 3 . – C. trav., art. L. 1332-2, al. 4 ). Ce délai d’un mois commence à courir à compter de la date à laquelle le salarié a été convoqué à l’entretien préalable. Il expire à 24 heures le jour du mois qui suit portant le même quantième que le jour fixé pour ledit entretien ( C. trav., art. R. 1332-3 et R. 1332-4 ). Il n’est ni suspendu, ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident de travail ou à une maladie du salarié, qu’elle soit professionnelle ou non ( Cass. soc., 27 févr. 2013, n° 11-27.130  : JurisData n° 2013-003201  ; JCP S 2013, 1161 , note J. Mouly). Est prise en considération la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement pour apprécier le respect du délai d’un mois. À défaut de l’être, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

§ 10Forme
La notification du licenciement doit être faite au salarié par lettre recommandée avec avis de réception et ce, à titre probatoire ( C. trav., art. L. 1232-6, al. 1er . – Cass. soc., 23 oct. 2013, n° 12-12.700  : JurisData n° 2013-023348  ; JCP S 2014, 1074 , note D. Everaert-Dumont). C’est au jour de l’envoi de ladite lettre que se situe la rupture du contrat de travail ( Cass. soc., 2 déc. 2009, n° 08-42.889  : JCP S 2010, 1203 , note A. Siri).

Elle doit être signée par l’employeur, son représentant, un titulaire d’une délégation de pouvoir de licencier, un salarié temporaire ( Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-67.237, n° 09-67.238  : JurisData n° 2011-002616  ; JCP S 2011, act. 119 , obs. L. Dauxerre) mais non par une personne étrangère à l’entreprise ( Cass. soc., 26 avr. 2017, n° 15-25.204  : JurisData n° 2017-007745  ; JCP S 2017, 1203 , note F. Bousez).

Ne sont pas considérés comme personnes étrangères à l’entreprise le directeur financier d’une société mère, propriétaire de 100 % des actions de sa filiale et qui signe la lettre de licenciement par délégation du représentant légal de cette dernière ( Cass. soc., 30 juin 2015, n° 13-28.146, n° 13-28.146  : JurisData n° 2015-016099  ; JCP S 2015, 1385 , note J. Daniel), le directeur général d’une société mère qui supervise les activités d’un salarié d’une filiale, y compris en l’absence de délégation de pouvoir écrite ( Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-23.701  : JCP S 2018, act. 207 ) ou le président d’une association ( Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-16.781  : JurisData n° 2022-004194 ).

À défaut d’être signée par une personne qui en a le pouvoir, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Une lettre de licenciement non signée n’est pas nulle mais irrégulière. Le salarié pourra alors se voir verser des dommages et intérêts au titre du préjudice qu’il subit et qui sera évalué par le juge.

En outre, faute de lettre et donc de motivation, le licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse. Celui-ci peut être démontré par l’utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur ( Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-23.738  : JurisData n° 2013-001563 ).

§ 11Motivation
La lettre de licenciement doit comporter « l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur » ( C. trav., art. L. 1232-6, al. 2 ). C’est une obligation générale applicable à tous les licenciements. Les motifs invoqués doivent être précis afin d’être vérifiables. Si la lettre ne renvoie qu’à la seule lettre de convocation, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ( Cass., ass. plén., 27 nov. 1998, n° 96-40.199  : JurisData n° 1998-004650 . – Cass., ass. plén., 27 nov. 1998, n° 96-44.358  : JurisData n° 1998-004651  ; Bull. civ. ass. plén., n° 6 ). Dans les conditions fixées par le décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 (JO 17 déc. 2017), les motifs en cause peuvent être précisés par l’employeur, soit à son initiative dans un délai de 15 jours après la lettre de notification de licenciement, soit à la demande du salarié formulée par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé dans les 15 jours suivant ladite notification. L’employeur dispose alors d’un délai de 15 jours après la réception de sa demande pour lui apporter des précisions. Si le salarié ne formule pas une telle demande, l’insuffisance de motivation ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse ; il peut toujours prétendre à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire ( C. trav., art. L. 1235-2 , modif. par l’ Ord. n°2017-1387, 22 sept. 2017, art. 4  : JO 23 sept. 2017).

Remarque

Ces prescriptions sont applicables aux licenciements prononcés pour un motif personnel ( C. trav. art. R. 1232-13 ) ou pour un motif économique ( C. trav., art. R. 1233-2-2 ).

En cas de licenciement disciplinaire, les motifs invoqués ne doivent pas reposer sur des faits déjà prescrits : « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales » ( C. trav., art. L. 1332-4 ). À défaut de respecter ce délai de prescription de l’action disciplinaire que n’interrompt pas l’ouverture d’une enquête préliminaire ( Cass. soc., 13 oct. 2016, n° 15-14.006  : JurisData n° 2016-021118  ; JCP S 2016, act. 385 ), le licenciement est considéré comme sans cause réelle et sérieuse. Néanmoins, rien n’interdit à l’employeur de prendre en compte des faits qui remontent à plus de 2 mois dès lors que le comportement fautif du salarié s’est poursuivi. Reste que des faits antérieurs ne peuvent fonder un licenciement que si le manquement imputé au salarié et situé dans les 2 mois précédant l’engagement de la procédure disciplinaire est établi ( Cass. soc., 5 nov. 2009, n° 08-42.971 ). Rien n’interdit en outre à l’employeur, et ce sans méconnaître la présomption d’innocence, de se prévaloir de faits dont il a eu régulièrement connaissance au cours d’une procédure pénale à l’appui d’un licenciement disciplinaire à l’encontre d’un salarié qui n’a pas été poursuivi pénalement ; les procédures pénale et disciplinaire sont indépendantes ( Cass. soc., 13 déc. 2017, n° 16-17.193  : JurisData n° 2017-025677  ; JCP S 2018, 1060 , note F. Duquesne).

Par ailleurs, il convient de relever que l’employeur peut, en l’absence de stipulation expresse contraire exigeant de lui un écrit distinct, notifier la levée de la clause de non-concurrence dans la lettre même de notification du licenciement ( Cass. soc., 24 avr. 2013, n° 11-26.007  : JurisData n° 2013-007946  ; JCP S 2013, 1320 , note I. Beyneix).

Remarque

Depuis le 1er janvier 2015, l’employeur n’a plus à indiquer dans la lettre de licenciement le nombre d’heures acquises par le salarié au titre du DIF, pas plus d’ailleurs que prévoir une mention relative au compte personnel de formation auquel il succède. Le salarié conserve en effet les heures de formation acquises tout au long de sa vie professionnelle.

3° Indemnité compensatrice de congés payés

§ 12Conditions
Si le salarié n’a pas pu bénéficier de tous ses congés au jour de la rupture de son contrat de travail, doit lui être versée une indemnité compensatrice de congés payés, calculée de la même manière que l’indemnité de congés payés, précision faite qu’est pris en compte le temps du préavis. Cela vaut aussi lorsque le salarié décède avant qu’il ait eu le temps de prendre l’intégralité de ses congés annuels ( CJUE, 12 juin 2014, aff. C-118/13, Gulay Bollacke c/ K + K Klaas & Kock B. V. & Co. KG : JCP S 2014, act. 229 ). L’indemnité compensatrice de congés payés est considérée comme du salaire.

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